Bordeaux : un Printemps de Folie
15/06/2016 - Le sourire est revenu à Bordeaux. Tout commence avec la présentation du millésime 2015 qui ravit les cœurs des vignerons et des marchands – ceux-là même qui faisaient unanimement la moue avec les 4 précédents millésimes.
En marge de son dossier primeurs, où il nous livre ses plus belles découvertes, Fabian Barnes nous parle aussi des autres actualités bordelaises.
2015 : un très bon millésime dans l’ensemble,
superbe pour certains
Ce millésime 2015 aura été, pour le moins, attendu ! Après quatre millésimes de pas très grande envergure, dont un 2013 exceptionnellement mauvais, les premiers jus en septembre dernier nous laissaient présager d’une qualité remarquable. Ce tant pour les vins rouges que les vins blancs secs. Un fait tout aussi remarquable sachant qu’à Bordeaux les conditions climatiques idéales pour la production de grands millésimes en blanc ou en rouge ne sont pas particulièrement compatibles, notamment celles d’aout.
Un peu plus de six mois plus tard, l’heure est au bilan intermédiaire, celui de cette photo aérienne de tout le Bordelais : les Primeurs.
La théorie du grand millésime
Pour les universitaires, le millésime 2015 est exceptionnel. Ils le comparent aisément avec 2005.
Les cinq conditions préparant la naissance d’un grand millésime sont réunies :
- Une floraison précoce et rapide, propice à une bonne fécondation, assurant des rendements satisfaisants et laissant espérer une maturité homogène.
- Un début de contrainte hydrique à la nouaison limitant le grossissement des jeunes baies et déterminant leur richesse tannique future.
- L’arrêt franc de la croissance de la vigne avant la véraison, imposé par une forte contrainte hydrique.
- Une maturation complète des raisons assurée par un fonctionnement optimum du feuillage jusqu’aux vendanges, sans reprise notable de croissance végétative.
- Un temps clément pendant les vendanges permettant d’attendre, sans crainte de dilution ou de pourriture, la maturité des parcelles et des cépages tardifs.
Tableaux, graphiques, camemberts et bâtonnets sont là sous nos yeux et indiscutables.
Les vins à l’étiquette masquée qu’ils nous présentent à la dégustation (un par appellation) confirment effectivement ces dires.
La réalité a ses nuances
Le problème avec la théorie c’est qu’elle tente par la modélisation de renvoyer une image synthétique proche de la réalité. Sauf que la réalité, en particulier lorsqu’il s’agit de climatologie et de viticulture à son lot de caprices que les modèles ne captent pas ou peu.
Tout cela pour vous dire que pour ma part, si les indicateurs tendent à comparer 2015 à 2005, les centaines d’échantillons déguster du Nord au Sud et d’Ouest en Est du Bordelais, ne m’ont pas raconté la même chose 🙂
Globalement, je dirais même, avant de rentrer dans les détails des appellations, qu’il y a eu clairement deux millésimes en 2015.
L’UGCB au château Matmut Atlantique
Pour l’UGCB (Union des Grands Crus de Bordeaux) 2016 rime avec synthèse. La synthèse de l’organisation des dégustations en primeurs telles elles se déroulent depuis des décennies : un sujet qui tenait particulièrement à cœur à Olivier Bernard, son Président, et qui a souhaité ouvrir le printemps en révolutionnant son organisation.
Désormais, Bordeaux compte un nouveau château : Le Château Matmut ! 🙂
Nom malheureux, celui d’une compagnie d’assurance, donné au nouveau stade sportif de Bordeaux et qui s’est habillé le temps de quelques jours aux couleurs de l’Union des Grands Crus.
Fini les kilomètres à arpenter le vignoble rive droite, rive gauche ; une seule destination, Bordeaux Parc des Exposition, où le nouveau stade est sorti de terre l’an dernier.
C’est effectivement là que toutes les dégustations du Médoc, des Graves et du Libournais se sont tenues cette année.
Pour Olivier Bernard, il a s’agit d’optimiser ces dégustations qui souffraient sans doute d’une variabilité d’accueil et d’organisation probante entre les différents châteaux (25) qui accueillaient l’ensemble des dégustations selon les appellations et les groupes de presse différents.
Il est fort probable que ce soit aussi par souci de simplification logistique et financier au sein de l’UGCB.
Toujours est il que nous avons dégusté l’ensemble des vins face à une belle pelouse entourée de 65000 sièges coques en plastique ! «Different» comme disent les anglo-saxons !
L’autre nouveauté est que les dégustations n’ont plus lieu à l’aveugle. Quoiqu’en dise l’équipe de l’UGCB, il faut être un sacré bon dégustateur pour ne pas être influencé par l’étiquette lors de la dégustation !L’an prochain, il y a de grandes chances que ce soit la Cité du Vin qui accueille les dégustations de l’Union des Grands Crus et qui centralise sans doute d’autres groupes vignerons.
Les vins rouges
Les Libournais sont presque tous à la fête
Le Libournais affiche clairement une réussite d’ensemble. Du Nord au Sud, Fronsac, Canon Fronsac sont au rendez-vous, Saint-Emilion affiche de très nombreuses futures divines bouteilles, les satellites ne sont pas en reste; quant à Castillon et Franc, la barre est placée très haute et c’est vraiment le coin des bonnes affaires.
Un bémol pour Pomerol qui ne nous a pas tant enthousiasmé, beaucoup de vins manquant d’éloquence et souvent d’élégance.
Pas mieux pour Lalande de Pomerol, même (ou surtout) parmi les vins les plus réputés: alcool, exubérance… c’est souvent lassant.
Contrat rempli pour les vins de la région de l’Entre-Deux-Mers
Les Bordeaux et Bordeaux Supérieur rouges produits dans L’Entre-Deux-Mers, ainsi que les Cadillac, Côtes de Bordeaux et Bordeaux Saint-Foy tiennent un très bon millésime 2015; au vu des prix pratiqués vous ne serez vraiment pas déçus.
Déceptions au pays des Graves et Pessac-Léognan
La région des Graves est vaste, la seule généralité que nous puissions nous permettre c’est l’hétérogénéité. Beaucoup de flacons, à l’instar de tous les Pessac-Léognan, hormis quelques rares crus, manquent de fraîcheur, de chair au cœur et présentent des finales asséchantes : un équilibre qui n’est pas des plus sexys !
Les Médocains n’ont pas tous vinifié le même millésime
Le très étalé Médoc fait également preuve hétérogénéité.
Sans nul doute, les Margaux sont à la fête. Une grande majorité des flacons dégustés nous ont ravis par leur fraîcheur et leur équilibre.
Les meilleurs Pauillac tirent bien leur épingle du jeu, même s’il y a un peu de tri à faire.
Pour les autres appellations, c’est au cas par cas. De beaux vins ici et là, mais dans l’ensemble, trop de vins manquent de fruit, de fraîcheur, de finale, et beaucoup sont asséchants. De nombreux flacons sont même notés aqueux ou dilués, en particulier au nord.
Le Blayais-Bourgeais a pris cher !
Vraisemblablement la faute à des pluies localisées sur leur territoire en septembre, la plupart des vins des appellations Blaye, Blaye Cotes de Bordeaux et Bourg sont dilués, peu en chair, peu expressifs, et nous ont invité à suggérer, comme pour le Nord-Médoc, qu’il y avait eu deux millésimes en 2015, tellement le fossé est large avec ce qu’ont produit les vins de Cotes du Libournais par exemple.
Ouverture de la « Mecque» du vin
Cinq années de travaux et 81 millions d’Euros plus tard, le 31 mai est inauguré en grande pompe avec le Président de la République, rien que ça, le nouveau temple dédier au vin : La Cité du Vin.
Superbe réalisation du cabinet d’architecture XTU et l’agence anglaise de scénographie Casson Mann Limited.
Implantée à l’entrée du bassin à flot, sur les bords de la Garonne, ses courbes rappellent un liquide en mouvement, comme l’ont souhaité les architectes : les courbes du fleuve, ses remous, le vin qui circule dans un verre, ou encore la forme que prend un pied de vigne sous la poussée de sa sève.
Nous y trouverons :
- une cave bibliothèque de près de quinze milles bouteilles provenant du monde entier;
- un auditorium/salle de spectacle accueillant concerts, conférences et projections;
- une exposition permanente de 19 espaces thématiques dits «immersifs et sensoriels»;
- des expositions temporaires à raison de 3 par an, la première est confiée à la photographe Isabelle Rozenbaum, qui retracera la réalisation de la Cité du Vin;
- des espaces ateliers dégustations pour petits et grands ;
- des espaces de restauration dont un restaurant panoramique au 7ème étage, «Le 7», confié à l’équipe de La Terrasse Rouge du Château La Dominique ;
- un belvédère au dernier étage, à 35 mètres d’altitude, permettant de contempler Bordeaux tout en dégustant un verre de vin sous un lustre gigantesque constitué de milliers de bouteilles de verre.
Bref, le monde du vin a maintenant sa Mecque et elle à Bordeaux !
Les vins blancs
Secs
Dans l’ensemble,les blancs sont de bon niveau, quoique la fraîcheur, la nervosité ne soient pas la qualité première du millésime pour la majorité des crus dégustés.
Les Graves, Bourg, Blaye, Bordeaux, sont très hétérogènes et nécessitent un tri. Les Entre-Deux-Mers proposent collectivement le moins de risques de se tromper.
Quant à Pessac-Léognan, s’il on ne peut pas parler d’un millésime exceptionnel, la grande majorité des domaines a produit un bon millésime, voire enthousiasmant, et certains se sont surpassés.
Liquoreux
Pour les liquoreux de Sauternes et Barsac, nous avions des doutes, l’automne dernier, mais les vins dégustés les ont levés. Dans l’ensemble, c’est une belle réussite, peut-être pas le plus grand millésime qu’ils aient produit, mais presque tous sont très prometteurs, avec de la densité, de l’intensité et de la fraîcheur. Et le «patron», Yquem, a produit un pur bijou.
«Bordeaux Fête le vin» souffle ses 10 bougies
Plus de 500.000 visiteurs, 650.000 dégustations, 6.000 personnes formées à l’Ecole du vin, la présence de plus de 1.000 vignerons et négociants ! Dégustations, concerts, sons et lumières, et divers spectacles : un événement d’une telle envergure qu’il en est devenue la première manifestation oeno-touristique d’Europe.
Cette année, le rendez vous a lieu du 23 au 26 juin et pour l’occasion invite 10 villes du monde dont Bruxelles qui organise depuis 2014 Eat BRUXELLES ! Drink BORDEAUX ! Cet événement se déroulera cette année du 8 au 11 septembre.
Plus d’info sur www.bordeauxfetelevin.com
COUPS DE COEUR BORDEAUX PRIMEURS 2015
Comme à l’accoutumée, les vins sont classés par catégorie de complexité, c’est à dire en fonction de la densité, l’intensité, la tenue, la longueur, la profondeur du vin.
Les blancs secs et liquoreux reçoivent également une note de plaisir liée à la fraîcheur et au croquant pour les blancs secs, davantage liée à l’élégance pour les liquoreux.
Pour les rouges, à ce stade, la notion de plaisir est peu crédible, leurs notes s’attachent principalement au potentiel de plaisir sur la base de l’équilibre et du fruit.
Complexité |
Coups de cœur vins rouges |
16/20 |
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15+/20 |
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15/20 |
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14+/20 |
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14/20 |
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13+/20 |
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13/20 |
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12+/20 |
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Complexité |
Coup de cœur vins blancs secs |
16+/20 |
Pessac Léognan : Château Olivier 17/20
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16/20 |
Pessac-Léognan : Château de Fieuzal 16+/20, Domaine de Chevalier 16+/20, Château Malartic-Lagravière 16+/20, Château Latour Martillac 16/20, Château Pape Clément 17/20, Château Smith Haut Lafite 16+/20, |
15/20 |
Pessac-Léognan : Château Brown 17/20 |
Complexité |
Coups de cœur Liquoreux |
17+/20 |
Château Rabaud-Promis 18/20, Château Doisy-Védrines 18/20, Château Guiraud 18/20, Château Lafaurie-Peyraguey 17+/20 |
17/20 |
Château de Malle 17/20, |
Fabian Barnes
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